Cadre juridique de la Défense nationale

Rencontre avec Nicolas B. Bernard et Valéry De Saedeleer

 

L’actualité amène régulièrement nos militaires au-devant de la scène (conflits armés/missions à l’étranger, appui à la police dans la lutte contre le terrorisme, soutien lors de catastrophes naturelles,…) mais que connaissons-nous de la Défense au sens large (missions, cadres, organisation, …) ?

Rencontre avec Nicolas B. Bernard, Référendaire à la Cour constitutionnelle, Collaborateur scientifique au CRECO (UCLouvain) et Chercheur associé au CIRC (Université Saint-Louis – Bruxelles) et Valéry De Saedeleer, Lieutenant-colonel administrateur militaire, Conseiller juridique au Ministère de la Défense et Assistant au CIRC, suite à la parution du Code essentiel – Code de la Défense (qui est paru en français et en néerlandais) et de l'ouvrage Défense nationale (paru dans la collection du RPDB).

Qu’est-ce qui vous a amené à produire ce code et la monographie Défense nationale ?

Dans l’attente de la refonte du cadre juridique, l’objectif du code est de servir de guide à celles et ceux désireux d’avoir en un seul volume les textes les plus importants ou les plus utiles concernant la Défense face à l’éparpillement normatif des sources de ce droit. Tant pour l’efficacité de la Défense que la sécurité des citoyens, il est souhaitable qu’un Code de la Défense (officiel) soit rédigé, de manière semblable à ce qui a été réalisé en France.

La monographie Défense nationale poursuit le même but : elle tente d’expliquer, de manière synthétique et générale, le droit public de la Défense qui découle de ces différentes sources. Il faut souligner que la doctrine francophone n’avait jamais consacré d’étude d’ensemble sur cette question. Cette monographie tend directement à combler ce vide étrange.

 

De par la triste actualité notamment, la Défense est une nouvelle fois remise en avant…Quel est son cadre juridique ? Que savons-nous de son organisation, de ses missions, de ses moyens ? Qu’abordez-vous de ces différents points dans le Code ?

L’ouvrage n’est pas uniquement destiné aux militaires, mais également aux magistrats et avocats chargés du contentieux statutaire militaire, à tous ceux qui s’intéressent à la fonction publique et plus particulièrement à celles et ceux qui désirent acquérir des connaissances dans le domaine du statut des militaires ainsi qu’à titre de comparaison avec d’autres statuts (agents de police, pompiers, …).

Le code couvre donc réellement tous les aspects qui entoure la Défense. Les textes sont organisés en quatorze parties, respectivement consacrées à l’organisation de la Défense, aux missions de la Défense, au renseignement militaire, à l’Ecole royale militaire, aux droits fondamentaux et statuts des militaires, à la santé du militaire, aux relations sociales du militaire, à la rémunération et à la pension des militaires, à l’emploi des langues à l’armée, au droit pénal militaire et à la discipline, aux marchés publics de la Défense et aux réquisitions militaires, au domaine militaire, à l’uniforme et aux ordres militaires et à quelques parastataux de la Défense.

 

Depuis quelques années, l’armée opère un processus de transformation de ses capacités et fait l’acquisition de nouveaux avions, navires et autres blindés. Y a-t-il des règles spécifiques pour ce genre d’achat ?

Comme tout pouvoir adjudicateur, la Défense est soumise aux règles de marchés publics ordinaires. Cependant, lorsqu’il s’agit d’acquisitions d’équipements purement militaires, une loi spécifique aux achats, inspirée d’une directive européenne a été adoptée. Son objectif est précisément de répondre aux préoccupations du secteur de la Défense qui présente bien souvent un caractère sensible tant sur le plan de la sécurité que sur les plans économique et sociétal.

 

Le Roi est chef des armées. Cela signifie-t-il qu’il a le pouvoir décisionnel ultime ?

Le Roi est revêtu du grade de général en tant que commandant des forces armées. Il est néanmoins désormais acquis qu’Il ne dispose plus de prérogative personnelle dans ce cadre. Tel n’a pas toujours été le cas : le commandement des troupes sur le terrain (ce qu’on appelle le « commandement effectif » des forces armées) en temps de conflit armé a longtemps été considéré comme un pouvoir propre du chef de l’Etat, soustrait à la règle du contreseing ministériel. Le déroulement de la Seconde guerre mondiale et la question royale qui en a résulté ont démontré qu’une telle prérogative n’apparaissait plus souhaitable.  Complètement anachronique au XXè siècle, elle engendrait aussi un conflit d’intérêt pour le Roi, qui apparaissait tout à la fois comme chef de l’Etat et chef des armées et, de surcroît, ne pouvait plus se concevoir dans le cadre de l’OTAN, qui exige désormais un commandement interallié intégré. La monographie Défense nationale examine précisément ces questions de manière claire et concise.

 

Combien de membres compte de nos jours la Défense ?

Chaque année, la Chambre a pour mission de voter le contingent de l’armée, c’est-à-dire le nombre maximum de militaires qui peuvent être simultanément sous les armes un même jour de l'année. Pour 2022, le nombre a été fixé à 27.100 militaires.

 

Est-ce que le militaire est un agent de l’Etat comme un autre ?

Le militaire est un agent de l’Etat au statut historiquement distinct de celui des autres fonctionnaires. D’emblée, on peut constater que la Constitution elle-même réserve au pouvoir législatif le soin de fixer le statut des membres des forces armées, alors qu’en ce qui concerne les autres agents de l’Etat, ce pouvoir est réservé au Roi. Dans l’esprit du Congrès national, il s’agissait d’éviter que le pouvoir exécutif ne règle seul la chose militaire, ce qui est apparu comme dangereux dans le contexte post-napoléonien. Par ailleurs, les droits fondamentaux du militaire restent plus limités que ceux des autres fonctionnaires. Ils sont analysés en détail dans le Titre 6 de la monographie Défense nationale. L’exemple le plus manifeste est sans conteste le droit de grève, qui est tout simplement dénié aux militaires. Le législateur a, en effet, estimé que la possibilité de faire grève risquait de paralyser l’armée et la rendre inefficiente.

 


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